Lauréate, en 2021, du programme Octo’Pousse porté par l’Ifremer, la start-up GRHyN entend valoriser les déchets notamment issus de l’industrie agroalimentaire afin d’en produire de l’hydrogène. Comment ? En les brassant à haute température avec de l’eau de mer et des micro-organismes issus des fonds marins. Rencontre avec Jordan Hartunians, qui porte le projet.
De la valorisation des déchets en les brassant
“Waste isn’t waste until we waste it”. Traduit dans la langue de Molière cela donne : “Les déchets ne sont pas des déchets tant que nous ne les gaspillons pas”. La maxime est tirée du chanteur will.I.am et est l’un des credo de la start-up GRHyN.
Fondée en 2020 par Jordan Hartunians, elle entend produire de l’hydrogène renouvelable à partir des déchets et des micro-organismes présents dans grands fonds marins. “En 2020, je sortais d’un doctorat avec cette expertise des micro-organismes et des grands fonds marins, situe Jordan Hartunians. Ils ont la capacité de produire naturellement de l’hydrogène. Dans les profondeurs marines, on y trouve des microbes capables de se nourrir avec ce qu’ils trouvent, c’est-à-dire des molécules assez complexes. Elles peuvent, par exemple, se nourrir de cellulose ou de chitine. Ces molécules, on les trouve beaucoup dans nos déchets, notamment agro-industriels. L’objectif de GRHyN est de s’inspirer de ces cycles naturels qu’on trouve dans le fond des océans, pour les appliquer à la surface et proposer des solutions à grande échelle de bioproduction d’hydrogène renouvelable.”
La technologie développée par GRHyN reprend, peu ou prou, le fonctionnement d’une brasserie “sauf qu’au lieu de mettre du malt, de l’eau et des levures, nous les remplaçons par des déchets, de l’eau de mer et nos microbes issus des fonds marins. Notre solution va produire rapidement l’hydrogène grâce à la haute température de la cuve.”
Entre 1 et 1,5 tonne d’hydrogène produit à l’échelle locale
Le projet GRHyN pourrait, arrivé à maturité et à l’échelle industrielle, produire entre 1 et 1,5 tonne d’hydrogène. Soit un ratio de 1kg d’hydrogène généré à partir de moins de 20kg de déchets. « Nous envisageons des solutions plutôt d’ordre local, précise Jordan Hartunians. L’objectif serait d’avoir, à terme, un modèle assez circulaire et en circuit court. Nous pouvons imaginer le développement cette solution sur un port de pêche par exemple. Nous récupérerions les déchets issus de la pêche. Nos petites bêtes aiment bien se nourrir des carapaces de crevettes. L’hydrogène produit pourrait être directement réutilisé par les bateaux de pêche, qui, demain, peut-être, pourraient fonctionner à l’hydrogène, ou alimenter les camions de transport de marchandises…”
GRHyN a également l’ambition de valoriser l’intégralité des molécules qui composent les déchets. “Aujourd’hui, avec l’ajout de cette direction axée sur la biologie synthétique, nous voulons valoriser au mieux la biomasse que nous chercherons à exploiter. Les déchets que nous allons utiliser comportent beaucoup de carbone et d’azote. L’idée, c’est de pouvoir en faire quelque chose avec une valeur afin de donner une seconde vie, durable, aux déchets.”
Toujours à l’état de projet et lauréat, en 2021, du programme Octo’Pousse porté par l’Ifremer, GRHyN poursuit son développement. En avril 2023, une première phase de maturation technologique s’est terminée après 18 mois dans les locaux de l’Ifremer. Il passe d’abord par la réalisation des optimisations prévues sur la technologie “afin de valider les projections modélisées”. Ensuite GRHyN se mettra en quête de fonds pour continuer cette phase de croissance “durant encore deux ans. Si tout se passe bien, nous devrions pouvoir commencer à passer à la phase du démonstrateur, vers fin 2025-début 2026. Nous pourrons imaginer une industrialisation de la technologie quelques années plus tard.”
Crédit photo : Stéphane Lesbats, Ifremer.